Moteur
Que retire-t-on de la vie ? Est-on obligé d'en tirer un avis global négatif ? Ne pourrait-on pas se satisfaire de ce que l'on nous voit présenté ? On jongle, entre différents aspects, différents points de vue, différentes personnalités. De parler de ces personnalités impose une évaluation extérieure négative, en raison du côté négatif émergent de la différence des individus. Si l'on recherche donc un avis (ou des avis) venant des autres, nous ne pourrons qu'obtenir des avis négatifs, car en désaccord avec notre pulsion propre. Ce désaccord est à l'origine de l’individualité, mais en accord avec la pulsion primaire présente en chacun de nous. Cette pulsion, que j'ai souvent appelé moteur, s'appelle chez Shopenhauer et chez Nietzschze la volonté. Elle s'appelle chez Platon l'Idée. Elle s'appelle chez n'importe quel organisme religieux Dieu. On n'en revient dans tous les cas qu'à un cas de moteur primitif, une pulsion à défaut d'une raison de vivre.
On en fait quoi de ça ? On en fait pas grand'chose. On en fait des spéculations qui poussent à se croire au-dessus des autres philosophes. On en vient à créer des mondes que l'on croit originaux. On en vient à différencier les questions toutes identiques de la chose en soi, de l'origine du phénomène, de l'existence, et enfin de l'essence. Car ce que tout le monde se pose comme question, et même sans jamais avoir lu de philosophie, c'est bien de savoir de quoi est constituée l'essence. Le vocabulaire varié en atteste : l'immanence, la chose en soi, l'essence, tous ces termes ne désignant que la capacité de l'humain à appréhender sa nature transcendante (dans le sens de dépassement de soi), et n'obtenir de ses questionnement que d'autres questions. Car c'est bien entendu qu'à partir de l'essence de l'être, que l'on se demande pourquoi nous sommes. Et la seule réponse que nous pourrons obtenir, ce sera en nous dépassant.
Mais se dépasser, est-ce un problème insoluble (à la Kant), ou est-ce un problème de définition (à la Shopenhauer) ? Le problème de l'être est si bien enfoui dans l'humain que lui-même ne sait si ce problème est soluble.
On pourrait se poser la question de la solvabilité. Le problème a-t-il une solution ? S'il en possède une, c'est une bonne nouvelle, car dans ce cas les recherches futures seront fructueuses. Si ce n'est pas le cas, Gödel l'a déjà prouvé avec son théorème d'incomplétude. Si nous sommes effectivement voués à naviguer dans un système où sa propre cohérence n'est pas compatible avec sa vérifiabilité, il est vain de se servir de la philosophie comme outil de vérité. Dans ce cas, seule la science sera utile, car bornée par des principes respectant sa propre limite. Mais tout le but de la métaphysique n'est-il pas de contrer les limitations causales de la physique et des autres sciences « dures »? Comment pourrait-on la jeter aussi facilement ?
Alors que toute vie suit son même moteur, celui d'avancer, quelque soit la définition de ce verbe, les contraintes empêchant ce mouvement ne peuvent qu'émerger des interactions du système global avec lui-même, imposant une sorte d'équilibre invalide poussant la vie à progresser. Cela pousse à postuler – contrairement à la croyance trop inculquée chez les physiciens – l’absence de conservation de l'énergie. En effet, en imaginant une production permanente, une source d'énergie, l'on parvient, tout du moins intuitivement, à comprendre d'où pourrait venir ce déséquilibre inhérent à la matière.