Brouillons de pensées

Étincelle

Refuser la société, c'est comme refuser l'individu. Partir du principe qu'on « a pas choisi » de naître dans un contexte ne change pas le fait que la société est un résultat direct de l’agrégation d'individus. L'individu est, indirectement, la société. Ce sont les effets divergents et contradictoires des individus, les « accidents », qui donnent l'impression que l'on peut parler de la société d'un côté, et de l'individu de l'autre, comme deux choses antinomiques, alors que ce sont deux facettes d'une même dynamique, présente à une échelle inaccessible.

Les émotions sont comme des aliments. Il arrive que j'aie envie de désespoir. Il arrive que j'aie envie de joie. Mais aucun des sentiments que l'on ressent ne devrait prendre une place plus importante. Le bonheur n'est pas un objectif, c'est un symptôme émergent du fait que nous suivons un chemin compatible avec nos envies primaires, avec notre volonté primale. La connotation attachée aux noms qu'on a donnés aux émotions nous empêche de les considérer à la même valeur. Cette valeur ne pourra jamais être dictée par une morale, ni par une croyance quelconque, ni par la science. Elle est totalement immanente à notre pensée, où plutôt à notre façon d'interpréter notre environnement. De ce fait, le bonheur tant sanctifié peut passer par l'envie de désespoir, car c'est une émotion qui peut être agréable. La tristesse nostalgique du deuillant devant sa fenêtre sous la pluie — sans prendre en compte le cliché de la situation — est une émotion agréable, car elle diminue, ou du moins anesthésie, la perte. Le comportement d'une personne n'est, au fond, jamais contre elle-même. Les apparences et contextes donnent l'impression que l'on agit parfois contre soi, mais c'est faux. On n'agit jamais que pour soi, que pour suivre cette étincelle héritée de l’instinct de survie, et les incohérences entre les émotions peuvent mener à des résultats qui n'ont aucun sens au niveau de la survie ; l'acte de suicide n'est pas un choix pour l'individu, c'est un choix contre l'environnement. Parce que les émotions ne suivent pas le chemin tracé du déterminisme évolutionniste. Elles suivent le chemin de la volonté individuelle ; et ce pourquoi elles sont arrivées dans nos psychés, et ce pourquoi elles sont en conflit avec l'apparente survie de l'individu, reste une question dont l'étendue nous alimente chaque jour, nous poussant à vivre banalement d'un côté, tout en nous offrant la possibilité de nous poser la question de l'autre.