Brouillons de pensées

Expression et réception macroscopique

Doit-on adapter sa façon d’exprimer en fonction de l’auditoire potentiel ? La réponse intuitive est que oui. L’expertise donne certains chemins de pensée raccourcissant la réflexion de façon incontestable. La question est de savoir jusqu’à quel point il est judicieux de simplifier l’exposé lorsque l’on vise à sa communication. Si de prime abord le but est réellement la communication d’un concept, alors il paraît évident de devoir maximiser sa compréhension. Si d’un autre côté le but est le débat et l’échange d’idées, il apparaît que l’effort dépasse parfois le « retour sur investissement », engrangeant une fatigue d’un côté et une frustration de l’autre. Mais là où le problème s’installe, c’est dans la taille des différentes parties.

Prenons l’exemple de la vulgarisation scientifique. Le temps considérable passé par certains chercheurs à la vulgarisation de leur travail empêche d’autant l’avancée dans leurs domaines de recherche respectifs. Cela n’implique pas qu’elle ne soit pas importante, seulement qu’elle est non négligeable. On voit souvent cependant dans les médias une reprise tellement bâclée des résultats de ces recherches – reprises visant d’abord le nombre de vues (à visée marketing) – que l’effet recherché en est inversé, le titre de l’article amenant un contresens marquant avec l’évènement initial. Exemple : « le soleil va disparaître, et il vous reste 10 mois pour vous y préparer. » Titre apocalyptique, alors qu’il s’agit d’une éclipse. Cet exemple, certes choisi pour son côté extrême, soulève la question de l’altération volontaire d’une réalité scientifique vers une communication à but tout autre.

Cette pratique n’est pas récente, bien que très démocratisée depuis l’avènement d’internet et du marché de la publicité instantanée. Il est facile de se détourner de ces pièges par un brin d’esprit critique, pourrait-on dire. Seulement, cette pratique prospère, et l’on doit se demander pourquoi. L’une des raisons est une forme de paresse, liée à la masse croissante de ce genre de titres et à la démocratisation de l’information immédiate. Il n’y aurait rien de plus facile que de résoudre le problème en accusant les gens, tâchons cependant de ne pas succomber à la tentation.
Lorsque l’on a affaire à un phénomène concernant de grands nombres d’instances, l’analyse à employer est l’étude statistique. D’autant plus que dans cet exemple médiatique, c’est justement l’étude statistique qui mène à la démocratisation de cette même pratique, qualifiée alors de rentable. Et ce n’est pas en critiquant les gens que l’on parvient à réduire cet effet néfaste. Il faut bien admettre que l’on ne contrôle pas la loi des grands nombres, celle-ci étant bien établie ; on peut cependant impacter la qualité de l’éducation, l’inculcation de l’esprit critique, répercutée a posteriori de façon macroscopique.

Mais alors, doit-on adapter son expression en fonction de l’auditoire potentiel ? Si l’on reste dans ce contexte macroscopique, intervient alors le second problème de la difficulté d’évaluer l’auditoire en question. Lors d’un débat biparti cette question peut être résolue au cas par cas. Dans un cadre plus étendu cependant, il faut retourner la question : dois-je, en tant que faisant partie d’un auditoire partiellement ciblé, adapter mon interprétation en fonction de l’intention de la source ? Et la réponse est évidente.