Brouillons de pensées

Causalité

Se sentir vivre est une épreuve, faisant tourner les mécanismes réflexifs, sans fin, c’est comme trouver le premier engrenage dans une horloge éternelle. La causalité a perdu de sa saveur, il ne reste que les faits, détachés, froids et déconnectés. Une chose est, une autre l’est après. La causalité apparente est d’une part souvent trompeuse, de l’autre aucunement suffisante pour apporter une explication de la séquentialité. La séquence est juste posée, faisait partie du donné, et tout le reste n’est qu’interprétation. je ne peux me soustraire à cette interprétation, d’où les nombreux stratagèmes de réorganisation de ma pensée dans ces paradigmes insensés. Sans grand succès, il faut l’avouer.

Jouer avec son corps pour percer l’esprit, c’est un peu comme dérégler une montre alors que l’on a pas de notion d’heure ; on en apprend sur son fonctionnement, mais pas sur sa fonction. Fonction étant un terme très vite assimilable à la pensée et à ses développement, il est soit réflexif, soit insuffisant. On ne peut pas mesurer la taille d’une règle avec la règle elle même. On ne tombe que sur tes tautologies sinon. La règle fait sa taille propre. Ouais, génial, et après ? La conscience semble être le seul absolu parmi une myriade de comparaisons, tout en étant le siège de ces comparaisons elles-même. De cette approche vient la déconstruction de la causalité. On ne peut pas admettre à la fois une causalité métaphysique et une influence de la conscience sur la succession des évènements ; sans même parler du libre arbitre, il suffit d’évoquer le medium selon lequel les forces de la nature se manifestent. Comment une masse sait qu’elle doit être attirée par une autre masse ? Grande inconnue. Aucune hypothèse. Aucune hypothèse. Pas le moindre zeste d’explication. On nage dans un océan sans savoir de quoi est fait la mer, et on a aucune idée de pourquoi nous ne nous y noyons pas.

Fatigue. Corps, esprit ? Les deux, comme à l’habitude. Si l’un est une condition de l’autre, peu importe la cible. L’altération est toujours possible, et sujette aux mêmes questions sans pitié. L’usure vient à bout de tout, et pour le mieux ; elle force le recyclage de processus qui ne font plus leur preuves en faveur d’autres plus performants dans leur auto-affirmation.

La paix de l’indifférence a cette attraction forte, qui réduit l’impact des questionnements précédents. Elle permet de s’en abstraire, quelques instants, et de ressentir l’existence pure, amodale. De l’émotion non corrompue. L’art touche cette sensibilité inconditionnelle, brisant le cadre de la communication dans laquelle il est initialement inscrit, pour toucher cette immédiateté.

Dès que l’on parle de ressenti « pur », on doit admettre la superficialité du temps dans cette perception. Le ressenti pur est atemporel. Et dans cet « espace » atemporel, perceptif et émotionnel, ne peut exister aucune trace de causalité, uniquement de l’immédiat sincère. Une mise en abîmes détruisant le temps, pour ne montrer que la réalité telle qu’on se la conçoit. Un puits sans fond, car n’étant même pas un puits, il n'est que l’orifice d’un tore dont les frontières sont à la fois ses extrémités et ses bords.