Brouillons de pensées

Impressions

Les impressions nous donnent un monde. Les rapports nous donnent ces impressions. Lorsque l'on s'habitue à une perception, elle s'efface petit à petit, et tout semble graviter autour d'elle. Travailler des mois devant un écran 4:3 et voir un 16:9 nous semble étrange, et inversement. Boire une bonne bière durant des semaines nous prive du plaisir qui devrait en découler. Vivre dans un taudis pendant suffisamment longtemps permet de profiter de n'importe quel habitat. Cette évidence relative est cependant soumise à un comportement difficile à appréhender : la variation de sa référence. Chacune de nos expériences est dépendante dans sa définition d'un absolu. Cet absolu n'est presque pas pertinent, mais j'y reviendrai plus tard. En l'occurrence, évoquer « un » absolu plutôt que l'absolu est perturbant, mais c'est précisément ce que j'appellerai l'absolu local. Il n'est pas local parce qu'il est hiérarchiquement ou ontologiquement dépendant de quelque autre notion, il est local car variant en fonction des précédentes perceptions. Il reste cependant absolu par son omniprésente référence parmi toutes les perceptions. (On pourrait presque faire une analogie avec le problème à N corps.)

En revenant sur l'absolu non pertinent, il peut paraître sensé de statuer qu'il n'a aucun intérêt puisque tout est relatif à celui-ci. Dans un exemple quotidien, on peut très facilement se représenter l'être humain et ses pensées, qui pour les plus concrètes sont une représentation linguistique – liée à sa langue maternelle – énoncée dans l'esprit. Si l'on change cette langue maternelle, on ne change pas forcément les pensées, seulement les éventuelles expressions de celle-ci. (Encore un fois, il est possible de trouver à débattre de l'importance de la structuration grammaticale d'une langue dans le développement cognitif, mais cela est dans le cas présent négligeable.) Dans un exemple plus principal, on pourrait évoquer la vitesse de la lumière dans un contexte de relativité restreinte : si sa « valeur » – encore faudrait-il trouver un sens à ce mot – était deux fois plus élevée, toutes les grandeurs que nous connaissons (toujours dans la même hypothèse) seraient deux fois plus élevée. Mais notre perception n'en serait pas changée. Par extension, on peut dire que le monde (des phénomènes tout du moins) n'en serait pas changé, d'où la remise en question de l'existence de quoi que ce soit d'absolu. (Cela est incompatible avec l’interprétation de Bergson où la conscience est détachée des phénomènes (physiques), et où conséquemment le temps subjectif a une influence dépassant celle de la durée objective.)

L'absolu, c'est ce que l'on voit lorsqu'on ne regarde pas. L'absolu, c'est ce que l'on perçoit lorsque l'on ne perçoit rien. En conclusion, l'absolu est-il néant ?