Brouillons de pensées

Fenêtre

En ouvrant la fenêtre, le silence m'a abasourdi, totalement frappé par cette intensité négative. La relativité de ma perception s'est trouvée être confortée, et m'amène à consolider l'idée de l'adaptation permanente, et plus qu'inconsciente, inévitable. C'est une propriété émergente de l'évolution en tant qu'espèce, cet inéluctable aplatissement de toutes les valeurs. Car l'évolution peut être reformulée de la façon suivante : les organismes tendent à se transformer en leur environnement, voire en son dual, celui-ci appliquant une pression permanente moulant la façon dont ils évoluent. Il est facile d'imaginer que dans certaines conditions, plus rien ne peut être perçu, pas parce qu'il n'y a rien à percevoir, mais parce l'adaptation permanent réduit ces perceptions à leur état le plus aisé à comprendre : le noir total. En revenant sur « l'absolu (local), c'est ce qu'on voit lorsque l'on ne voit rien », il est possible de faire un modèle de la perception uniquement relatif, et ce modèle implique d'une part l'impossibilité de communiquer à travers ce voile et de comparer quelque situation de bonheur que ce soit, et d'autre part l'impossibilité de concevoir un néant qui serait absolu. Ce bonheur étant une combinaison d'évènements aléatoires en phase avec certaines règles pré-établies de satisfaction, son « intensité » (qualitative bien entendue) ne peut jamais être posée sur une échelle absolue, ni donc être comparée comme la masse aime le faire dans un but de culpabilisation (souvent associé à un besoin d'identité politique ou culturelle).

De l'adaptation permanente d'un organisme découle la vacuité de concepts tels que le but de la vie, la recherche de bonheur, le mysticisme et le toucher de Dieu. Il n'existe pas d'objectifs, seulement des moteurs. Tout organisme n'agit et ne réagit qu'en fonction de ses câblages internes, rendus de plus en plus performants pour effectuer une seule chose : la reconnaissance de patterns. L'adaptation permanente permet de réduire la pertinence des patterns trop fréquents en les faisant fondre de plus en plus dans le noir, parfois jusqu'à les annihiler. La reconnaissance peut ainsi s'appliquer aux changements les plus intenses, les plus inhabituels afin de mieux les appréhender, et à terme, les ranger dans le noir avec le reste. Car un organisme qui s'est habitué à tous les évènements n'a pas plus de raison de tenter de les interpréter – cette interprétation ayant déjà été faite en amont –, et n'a donc plus de raison de percevoir les phénomènes, déjà connus. Ce qui permet de ne pas rendre aveugles les organismes, c'est bien la nature changeante de l'environnement, celui-ci ne permettant pas d'obtenir en permanence et sans aucun doute la garantie de nourriture. Par nourriture j'entends la nourriture corporelle utilisée comme source d'énergie des mouvements physiques, mais également le besoin d'appartenance à un groupe social, ou l'affirmation de sa propre identité, ceux-ci étant tout autant nécessaires à la survie, ou en tout cas à l'illusion d'une immortalité plus accessible. Cet environnement donc permet de conserver un mouvement (dont il est lui-même résultat), assurant à la vie sa pérennité. La mort est donc la source du mouvement, car c'est en étant cet anti-objectif suprême qu'elle maintient la vie.

Qu'en est-il de l'humain, qui pense avoir dépassé cet instinct de survie pour se poser la question du pourquoi ? Rien d'autre. Cette perpétuelle remise en question de son but n'est que l'émergence d'un processus de survie plus complexe devant une compréhension du fonctionnement de l'environnement plus aboutie. En étant moins primitif, et meilleur modélisateur de son univers, l'humain assure par là les meilleurs chances de survie pour ses individus, et pour son espèce. Les sensations d'individualités « uniques » sont une fine illusion assurant la volonté d'exister en tant qu'individu, nécessaire pour assurer l'existence de l'espèce. Qu'en est-il dans ce cas du questionnement en lui-même, cette possibilité d'être auto-observé, et de ne pas être certain de ce que l'on voit ? Observer, c'est mesurer. La théorie de la mesure est fondamentalement intéressante pour l'assertion suivante : il est impossible de mesurer un système sans que la mesure même ne le perturbe, faussant ainsi ce qu'on espérait mesurer. Il existe en mécanique quantique un postulat dont on peut tirer cette conclusion : l'information est impossible à cloner. Or, nous y sommes habitués avec une copie de fichier numérique ; lorsque l'on envoie par des moyens digitaux un signal, il est dupliqué (voire converti) vers un média, depuis lequel il est de nouveau copié (voire converti) vers le support de lecture, celui-ci dupliquant à nouveau cette information à travers un écran ou une enceinte de façon analogique, où elle est ensuite absorbée cette fois-ci dans notre système perceptif. Comment alors justifier cette hypothèse de l'impossibilité de la copie ? C'est parce que l'acquisition d'une information est basée sur la mesure, et que la mesure est intrinsèquement imprécise. Tout appareil de mesure, qu'il soit biologique ou technologique, fonctionne en évaluant des moyennes de valeurs sur des intervalles plus ou moins longs. Plus un appareil sera précis, plus cet intervalle sera court. La largeur de cet intervalle ne pourra jamais cependant être nulle. Un point ne peut pas être mesuré autrement qu'en faisant un estimation sur sa position à plus ou moins une imprécision près, tout comme l'on peut jouer au jeu de deviner un nombre avec comme seule information « plus » ou « moins » mais avec des irrationnels. De ce fait il découle que même si l'information n'est pas clonable, transmettre une information similaire suffisamment proche pour provoquer un signal imitant le message de l'initiateur est suffisant pour communiquer. À chaque changement de média, elle est changée, altérée, à l'instar d'une idée. Il existe également ce phénomène bien connu en mécanique quantique qui est que la mesure d'un système en change son état. C'est bien le même processus, qui impose que pour mesurer quelque chose, il faut lui prendre de l'énergie (car sinon ce serait d'une part, cloner l'information, et d'autre part, la créer de nulle part, ce qui est absurde), en altérant ainsi son état, et imposant un nouvel état que l'on appelle « défini ». En tentant de comprendre ce que l'humain veut, nous nous devons de nous rappeler que la question même est issue de notre adaptation à l'environnement en vue de faciliter la survie de l'espèce, et que tenter de proposer des réponses à une étude phénoménologique des comportements humain est facilement indécente car ignorant parmi ces phénomènes ceux-là même de leur propre mesure.

En découle-t-il un déterminisme absolu de tout comportement ? Cette question n'est donc plus une question philosophique, mais une question de biologie, et donc de physique. En admettant que nos comportements ne soient régis que par une amélioration de câblage en vue d'optimiser notre capacité à survivre, c'est alors la notion d'entropie et de recherche de minimum d'énergie potentielle qui est mis en jeu, transformant l'évolution en une bête recherche de minimum dans une fonction à autant de dimension qu'il y a de degrés de liberté dans l'univers. La question du déterminisme est donc reléguée à la mécanique quantique, ne pouvant elle-même se décider sur ce point.